En Angola, les Oblats sont à l’œuvre depuis 1992. Répondant à l’appel de Mgr Fernando Kevanu[1], trois missionnaires, le père Franz Houben (province de la Namibie), le père Pierre Mukabi et le scolastique Roland Pumu (province du Congo) s’installent à Mongua dans le diocèse d’Ondjiva dans la province de Cunene. Mais leur séjour angolais sera de courte durée à cause de la reprise de la guerre à l’issue des élections présidentielles de septembre1992, dont les résultats consacraient l’avance d’Eduardo do Santos. Jonas Savimbi, peu enclin au jeu démocratique, les contesta et son parti, l’UNITA, décida de reprendre les armes, foulant ainsi aux pieds l’accord de paix signé à Bicesse (Portugal) en 1991.
La sécurité n’ayant plus cours dans le Cunene, les trois missionnaires durent se replier en Namibie voisine dans l’attente d’un retour de la paix. La guerre continua à faire rage malgré la signature d’un nouvel accord de paix à Lusaka en novembre 1994. Même l’envoi de troupes onusiennes n’y fit rien.
Tandis que les belligérants continuaient à s’affronter violemment dans l’arrière-pays, des centaines de milliers d’Angolais, chassés de leurs villages par la guerre, affluaient chaque jour dans les faubourgs de la capitale. Du jour au lendemain, Luanda, qui était épargné par les attaques rebelles, vit le nombre de ses habitants considérablement augmenté.
Ces arrivées massives de réfugiés et déplacés allaient bientôt poser un sérieux problème pastoral à l’Eglise locale, et celle-ci se devait de « faire entendre la voix de la fraternité, en l’accompagnant de gestes qui attestent du primat de la charité[2] ».
C’est dans ce contexte qu’en 1995, l’archevêque de Luanda, le cardinal Alexandre do Nascimento, informé de la tentative avortée d’une implantation dans le Cunene, sollicita le concours des Oblats de Marie Immaculée pour l’œuvre d’évangélisation dans son diocèse, convaincu que la présence des fils d’Eugène de Mazenod à Luanda ouvrirait un jour de nouvelles perspectives profitables à toute l’Eglise angolaise. Le père Marcello Zago, Supérieur général, accueillit favorablement l’appel du métropolite angolais et s’empressa d’envoyer à Luanda et à Ondjiva les pères Richard Szmydki (Assistant général en charge de la mission), Alexander Motanyane (Conseiller général pour l’Afrique), Miguel Pipolo (Provincial du Brésil) et Baudouin Mubesala (Provincial du Congo) pour une visite de prospection.
La délégation débarqua à Luanda, accueillie par l’archevêque qui ne manqua pas de lui présenter les défis pastoraux majeurs auxquels son diocèse faisait face, notamment la pauvreté matérielle des populations éprouvées par la guerre, la désaffection d’une grande partie de l’intelligentsia travaillée par l’idéologie communiste[3], la pénurie d’agents pastoraux, l’éducation et l’encadrement de la jeunesse qui avait constitué l’élément le plus actif de la guerre, l’invasion des mouvements évangéliques, etc.
La situation post-conflit diffusant de nouvelles problématiques dans les masses populaires, l’archevêque réitéra sa demande de missionnaires Oblats de Marie Immaculée et promit de tout mettre en œuvre pour favoriser leur insertion pastorale au sein de l’Eglise locale. Ainsi rassuré, le Supérieur général en conseil approuva le principe d’une nouvelle mission en Angola et décida que celle-ci dépendrait directement de la province du Congo.
Nous savons toutefois, à la lumière des échanges que les Unités impliquées dans le projet eurent avec l’administration générale en marge de la session intercapitulaire de Bangkok (Thaïlande) en 1995, que la mission d’Angola revêtait au départ un caractère international : le Brésil et la Namibie s’engageaient à pourvoir la nouvelle mission en personnel et finances, tandis que le Congo devait fournir le gros du personnel et assurer la direction de la mission.
A l’issue de ces tractations, la province du Congo assuma pleinement ses responsabilités et se montra généreuse. Dans l’éventualité d’une nouvelle implantation en pays lusophone, les pères Jean-Claude Ngoma et Cyrille Mpuki furent envoyés au Brésil pour l’apprentissage du portugais. Quand les deux confrères furent en mesure de s’exprimer couramment dans cette langue, ils revinrent au Congo et se préparèrent à gagner leur nouvelle terre de mission.
Le 9 février 1997, les pères Ngoma et Mpuki ainsi que le frère Bula-Bula, accompagnés de l’évêque auxiliaire, Mgr Damiao Antonio Franklin[4], arrivèrent à Luanda. Le cardinal archevêque de Luanda, Alexandre do Nascimento, les accueillit avec joie et les présenta aux fidèles lors d’une célébration eucharistique à la paroisse Sao Joaquim.
Sur le plan politique, toutefois, la situation demeura fortement crispée à cause du conflit armé entre le MPLA et l’UNITA. La guerre, reprise en 1992, se prolongea jusqu’au 22 février 2002, date de l’assassinat de Jonas Malheiro Savimbi au cours de l’opération « Kissonde » (fourmi violente) dans la vaste province de Moxico sous le commandement du général Simão Carlitos Wala. Les hommes de troupe de l’UNITA, privés de leur leader charismatique, étaient désormais à bout de forces. Lassés et usés par des décennies de guerre fratricide, ils se dirent prêts à négocier avec le MPLA au pouvoir. Ainsi se déclencha « un processus de réconciliation nationale, suivi de l’intégration d’une bonne partie des anciens rebelles dans l’armée gouvernementale[5] ».
Les armes s’étaient tues mais les Angolais réalisaient avec stupéfaction que la guerre avait fait plus d’un demi-million de morts, contraint plus de 4 millions de personnes à se déplacer à l’intérieur du pays ou à se réfugier dans les faubourgs de la capitale (Luanda), et jeté des dizaines de milliers d’autres sur le chemin de l’exil.
Il devint ainsi clair, à la lumière de ce contexte socio-politique, que les Oblats allaient commencer à rayonner à partir de la capitale Luanda. Au lieu de la paroisse Sao Joaquim, les pères Jean-Claude Ngoma, Cyrille Mpuki et le frère Armand Bula-Bula furent priés de prendre en charge la sous-paroisse Santo André dans la commune de Ngola Kiluanje, municipalité de Sambinzanga en pleine banlieue nord de la capitale.
On sait déjà qu’à l’époque, Santo André, située dans le quartier pauvre de Petrangol, dépendait de la paroisse Santo Antonio animée par les Missionnaires capucins. A la suite d’une visite faite en compagnie de l’archevêque, les trois missionnaires purent s’y installer, le 18 avril 1997. En novembre 1999 fut pris le décret érigeant Santo André en paroisse, obligeant les Oblats à s’occuper également de deux autres succursales, São Pedro da Barra et Nossa Senhora da Assunção. La même année, les Oblats fondèrent une nouvelle sous-paroisse, Santo Eugene de Mazenod, dans la municipalité de Mulembe, communément appelée Bairro Uíge.
Entre-temps du Brésil étaient arrivés à Luanda, en avril et novembre 1997, les pères Wilmar Varjao Gama et Paolo Ehele. Grâce à cet important renfort en personnel, les Oblats purent de nouveau, sur demande de Mgr Ferdinando Kevanu, retourner dans le diocèse d’Ondjiva en 1998. Ils s’installèrent à Namacunde en plein territoire kwanyama à 30 km d’Ondjiva (chef-lieu du diocèse) et acceptèrent aussi d’administrer la très dynamique sous-paroisse de Santa Clara à 10 km de là sur la frontière namibienne. Ils furent rejoints par le frère Armand Bula-Bula qui s’illustra dans la sensibilisation des paysans aux questions de développement communautaire.
La mission d’Angola, constituée de deux communautés, était ainsi née. Mais elle peinait encore à décoller. Malgré cela, le Supérieur de la mission, Jean-Claude Ngoma, donna une impulsion véritablement missionnaire à la nouvelle fondation. Audacieux et plein de zèle, il n’arrêta pas d’inviter ses confrères à prendre conscience de leur identité et de leur responsabilité missionnaire, n’hésitant pas à mettre sur pied des activités apostoliques afin de former les fidèles au témoignage et à l’annonce de l’Évangile. Ses successeurs, Joseph Ntumba, Augustin Mulele, Guillaume Muthunda et Adrien Gesse se sont montrés, eux aussi, dignes de la haute mission à laquelle ils avaient été appelés.
En juin 2010, sur décision du Provincial en conseil, les Oblats ont acquis une nouvelle concession à Luanda dans la commune (municipio) de Cacuaco où ils prévoient de construire la maison de la mission et un centre de santé. Une nouvelle paroisse y a d’ailleurs été érigée, animée par le père Crispin Mayuyu. La même année, ils ont accepté de prendre en charge la paroisse Notre-Dame, Vierge des Pauvres à Panguila dans le diocèse de Caxito, confiée au zèle du père Emmanuel Isundala. Celui-ci sera rejoint par le père Arnault Nganga en octobre 2012. Appelés à d’autres ministères au Congo en 2015, les pères Isundala et Nganga ont été remplacés par les pères Jean-Claude Kianga (curé et trésorier) et Clément Mulewu (supérieur et vicaire), auparavant curé de Santo André à Luanda et avocat activement engagé dans les questions de Justice et Paix.
En 2012, le Provincial en conseil décida le retour des Oblats dans le diocèse d’Ondjiva. Les deux derniers Oblats, Emmanuel Isundala et Crispin Mayuyu, avaient quitté le diocèse d’Ondjiva en octobre 2010.
En novembre de la même année (2012), le père Adélard Mapinda arrive à Namacunde, conduit par le Supérieur de la mission, Guillaume Muthunda, qui le présente à l’évêque d’Ondjiva, Mgr Pio Hipunyati. A Namacunde, le père Mapinda travaille pendant un an aux côtés de l’abbé Mutindi, en charge de la paroisse depuis le départ des Oblats en 2010. Il est rejoint par le père David Ibwidi en novembre 2013. Entre-temps, Mgr Hipunyati s’est entendu avec le Provincial Abel Nsolo pour confier aux Oblats la nouvelle paroisse (mission) de Calueque (province de Cunene), érigée le 1er décembre 2013.
Tout en reconnaissant que les débuts de ces établissements ont été difficiles, les Oblats sont heureux de constater que dans ce pays, ils ont réalisé une grande œuvre missionnaire. Pour soutenir l’élan enclenché, les statuts particuliers et le plan de financement pour la Mission élaborés en 2004 et soumis à l’approbation du Supérieur général furent approuvés.
Les premières vocations angolaises ont été recrutées en 2009. Paulo Sango Pindali est le premier Angolais à être admis au prénoviciat d’Idiofa et à se former au Congo. Il a été rejoint par Manuel Ndala. Toutefois, il serait souhaitable que dans cette partie du continent africain, les Oblats continuent à faire preuve d’audace et d’inventivité en élaborant un projet pastoral qui soit en phase avec la situation réelle d’un pays qui retrouve petit à petit son unité après des décennies de guerre fratricide.
(Lire : Macaire MANIMBA Mane, Histoire des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée en RD Congo et en Angola, Baobab, Kinshasa, 2017, p. 135-140)
[1] Ce fut le père Bernard Wolf, Provincial oblat de la Namibie, qui répercuta pour la première fois cet appel à la Congrégation lors du Chapitre général de 1992 tenu à Rome (septembre-octobre).
[2] Jean-Paul II, Message pour la Journée Mondiale des Migrants, 25 juillet 1995.
[3] L’Angola, ancienne colonie portugaise, accéda à la souveraineté internationale et à l’indépendance le 11 novembre 1975. Deux ans après (1977), le MPLA, son parti dirigeant, adopta officiellement le marxisme-léninisme pour s’assurer l’appui militaire de l’URSS et de Cuba contre l’UNITA soutenue par les USA, le Zaïre de Mobutu et l’Afrique du Sud. Mais la fin de la guerre froide contribua à entraîner l’abandon par le gouvernement de l’idéologie marxiste-léniniste et du régime de parti unique. Ce qui permit d’ouvrir la porte à un processus de paix : Accords de New York (22 décembre 1988), de Bicesse (1er mai 1991) et ceux de Lusaka (novembre 1994).
[4] Né à Cabinda en 1950 et décédé en Afrique du Sud le 28 avril 2014, Mgr Franklin était à l’époque évêque auxiliaire de Luanda. Il en devint titulaire en 2001.
[5] Tshitenge Lubabu, « Mort du chef rebelle angolais Jonas Savimbi », dans JA, 19 février 2007.